Face aux clivages actuels en matière de santé, tous les bords se réclament de la Science. Mais qu’est-ce que la Science ? En quoi peut-on croire ? En quoi devons-nous douter ? Suite à un débat en famille, j’ai souhaité synthétiser les réflexions développées avec Navarith au sujet de la connaissance. Cet article a pour objectif de nous aider à réfléchir en pleine conscience de nos propres limites cognitives.

Science et Religion : fausse opposition entre des concepts flous ?

Ayant grandi dans une famille d’athées et ayant longuement fréquenté l’école publique, j’ai toujours tenu pour vraie l’opposition entre la Religion et la Science. C’était pour moi des synonymes respectifs de déraison et de raison. La Religion, faite de croyances, s’opposait à la Science, faite de savoir, comme dans le procès de Galilée.

Depuis, grâce à des années de discussion avec Navarith, libre-penseur et autodidacte de longue date, ma relation à ces deux concepts a fortement évolué. D’une part, je me suis rendu compte que ma vision initiale de la Foi et de Dieu n’était absolument pas celle des croyants. J’ai très progressivement découvert la spiritualité, cette dimension que j’avais longtemps ignoré en moi et qui ne demandait qu’à s’épanouir. D’autre part, j’ai pu observer avec un certain recul les processus de production de la connaissance scientifique et de sa traduction dans les médias et les politiques publiques, au cours de mon parcours professionnel. Ainsi, à ce jour, je ne saurais définir la Science autrement qu’un ensemble de dogmes présentés par une autorité donnée pour justifier l’idéologie du moment.

science et religion

La démarche scientifique produit des connaissances

S’il est difficile de définir « la Science », nous pouvons définir plus aisément la démarche scientifique. Elle désigne une manière de construire de la connaissance par un questionnement associé à un raisonnement logique, une expérimentation ou une investigation. Elle s’applique à tout champ de connaissance, de la physique à la psychologie, en passant par les mathématiques, l’histoire, la biologie, la philosophie… La division entre sciences dures et sciences molles n’aurait ainsi pas vraiment de sens.

Dans notre parcours, nous avons pu observer que cette démarche scientifique est fortement mêlée à des enjeux personnels, politiques, financiers, institutionnels, organisationnels… Ces enjeux biaisent la construction de la connaissance, et plus encore sa traduction et sa diffusion par les organes politiques et médiatiques. On doit prendre en compte ces biais lorsqu’on considère toute connaissance dite scientifique, afin d’évaluer son degré de crédibilité.

Les connaissances, objets de croyances ou de certitudes

La connaissance est une construction fragile, inconstante. Elle a un champ de validité extrêmement restreint, et doit toujours être remise en question. Lorsqu’elle ne l’est plus, elle se fige et se transforme en dogme.

Il n’a rien de moins scientifique qu’un dogme. Rien n’empêche d’y croire, cependant. Certains dogmes semblent tout à fait logiques et vraisemblables. Mais il ne s’agit jamais que d’un point de vue, qu’une approche biaisée de la réalité, qui sera toujours discutable. Même l’expérimentation ou l’investigation la plus rigoureuse pourra toujours être remise en cause, que ce soit par un progrès technologique dans les instruments d’expérimentation, de nouvelles hypothèses de départ, un nouveau cadre de pensée, une nouvelle analyse statistique des données, la découverte de biais plus ou moins subtiles et inconscients ayant entaché la démarche…

Face à la complexité de la nature et de la société, comment peut-on avoir la moindre certitude ? Les croyances sont indispensables pour agir dans le monde. Mais si elles se transforment en certitudes, si l’on nie leur statut de simple croyance, alors elles deviennent dangereuses, en écartant toute question et remise en cause. Dans la croyance consciente, on choisit de mettre le doute, dans une certaine mesure, entre parenthèse. Dans la certitude, on le supprime totalement. La certitude n’est qu’une croyance qui s’ignore, une croyance inconsciente.

Sceptiques et négationnistes : le doute est-il permis ?

Ces derniers mois, certains dirigeants politiques nous incitent à croire en la Science. Il semblerait que la Science est devenue la Religion officielle, comme ensemble de dogmes irréfutables. Le « Je sais que je ne sais rien » de Socrate semble avoir été oublié. On s’offusque face au manque de confiance des individus en la Science officielle. On appelle à plus de pédagogie. Pas la pédagogie qui apprend à douter, mais la pédagogie qui interdit de douter. Le terme « sceptique » devient connoté négativement : « climato-sceptique », « covido-sceptique », sont des injures. Comme si douter était idiot. Comme c’est un peu gros, on parle maintenant de négationnisme face à toute personne remettant en cause la connaissance officielle diffusée dans les médias subventionnés.

Les deux camps qui s’affrontent, « affirmationnistes » et « négationnistes », auraient tous deux tort s’ils étaient absolument certains de leurs « connaissances ». Mais il s’avère que les soi-disant « négationnistes » ont souvent beaucoup moins de certitudes que les « affirmationnistes ». Tout d’abord, ils s’appuient sur des sources d’information plus diverses. En effet, les sources d’information des « affirmationnistes », présentées sans relâche dans les médias, sont connues de tous. De plus, ils ont un raisonnement plus complexe, qui prend en compte les divers biais politiques et financiers qui influencent ces sources d’information. Enfin, ils s’ouvrent au doute et à la question, puisqu’ils étaient très souvent eux-mêmes « affirmationnistes » avant de remettre en cause leurs croyances.

Il y a bien sûr des dogmatiques partout, même parmi les « négationnistes ». Car l’esprit humain semble avoir besoin de s’appuyer sur des certitudes. Il est fatigant de toujours douter, car l’inconnu fait toujours peur. Il est fatigant également de changer ses croyances, car il est toujours vexant d’avoir eu tort. Enfin, il existe des croyances plus rassurantes que d’autres. Certaines personnes ont donc plus de certitudes que d’autres, peut-être car elles sont plus en proie à leurs émotions que les autres.

Aujourd’hui, au rythme effréné auquel les informations apparaissent sur internet, les croyances évoluent vite lorsqu’on est ouvert au doute. Toutefois, celles-ci n’évoluent qu’en cohérence avec notre vision du monde et la somme de toutes nos croyances à un instant donné. C’est notre filtre. Lorsque ce filtre se transforme en carapace bien solide, nous ne sommes plus perméables à d’autres visions du monde. Quelles que soient la souplesse et la perméabilité de ce filtre, tant que nous en sommes conscients, nous restons dans le domaine de la raison. Lorsqu’on perd la conscience de notre filtre, nos croyances deviennent des certitudes inébranlables, et nous basculons dans le dogme.

La Foi, une confiance absolue qui permet le doute ?

On trouve, parmi les « sceptiques », certains croyants, au sens religieux du terme. Preuve, pour les « affirmationnistes », qu’ils sont bien déraisonnables.

Je crois pour ma part, que la Foi facilite le doute, et donc la démarche scientifique. En effet, la Foi en une dimension transcendantale, quelle qu’elle soit, peut donner la force de remettre en question les croyances relatives au monde matériel. Elle permet et incite même parfois à remettre en cause les informations fournies par des autorités terrestres. Je ne dis pas que certains dogmes religieux ne sont pas un obstacle à l’ouverture d’esprit sur certaines questions de ce monde : l’existence des extra-terrestres, notre dimension animale, la création du monde… Mais pas plus que tout autre dogme soi-disant « scientifique ». Par contre, la Foi, au-delà des dogmes, c’est-à-dire cette confiance en une puissance bienveillante, peut donner la force de douter de toute autre chose.

Certains athées, dont j’ai longtemps fait partie, considèrent la Foi comme une croyance quelconque. Pour eux, avoir la foi revient plus ou moins à croire qu’un monsieur à barbe blanche vit sur un nuage au-dessus du monde et décide de tout. Ils ne croient que ce qu’ils ne voient, d’après eux. Euh, êtes-vous sûrs ? Avez-vous déjà vu un virus ? Pour ces athées, Dieu n’existe pas car on ne peut pas prouver son existence. Ils confondent preuve et révélation. Et pourtant, ils approchent souvent la connaissance dite scientifique, véhiculée par les médias subventionnés, comme une vérité révélée. Une autorité dit qu’une étude a montré que… et hop ! la croyance est adoptée. Qu’est-ce qu’a vraiment montré l’étude, au-delà de ce que l’autorité politique ou médiatique en dit ? Qu’ont montré les autres études ? Qu’est-ce qu’en disent les différents experts ? Est-ce logique ?

A quelle autorité se fier ?

Sauf lorsqu’on expérimente sur son propre corps, comme ça peut être le cas en matière de santé, on adopte des croyances en faisant confiance à une autorité extérieure. Et même quand on expérimente sur son propre corps, on fait finalement confiance à son autorité intérieure : suis-je bien sûre de ce que je ressens ? En faisant trop confiance à une autorité extérieure, on ne doute plus. Mais ne plus faire confiance aux autorités qui nous gouvernent, c’est angoissant. D’où l’avantage de la Foi, cette confiance absolue en une force bienveillante et transcendantale, qui rassure.

Quand j’étais athée, je me souviens avoir demandé à une amie croyante : Comment peux-tu croire en un Dieu qui laisse faire les guerres et la faim dans le monde ? J’étais toujours dans le mythe du monsieur à la barbe blanche qui décide de tout sur son nuage. Avoir foi dans nos autorités actuelles, c’est faire confiance en des institutions qui, très concrètement, ordonnent des guerres, bombardent des populations et favorisent la précarité. N’est-ce pas complètement absurde ?

Conclusion : le véritable ennemi de la démarche scientifique

Pour conclure, la véritable distinction n’est pas entre la Science et la Religion, toutes deux ensembles de dogmes. Elle se trouve entre la démarche scientifique et la Foi. La démarche scientifique permet de construire des connaissances auxquelles on choisit de croire ou non à un instant t, par l’exercice de son esprit critique. Elle nécessite de se renseigner auprès de sources diverses et de prendre conscience de ses croyances et de ses doutes. La Foi, quant à elle, ne se choisit pas, elle ne s’explique pas logiquement, elle se ressent. Elle nous est révélée dans tout ce qui nous entoure, et surtout en nous. Ce sont deux démarches distinctes, mais compatibles.

Ce qui est incompatible, en revanche, c’est la démarche scientifique et l’absence de doute, c’est-à-dire la confiance extrême en une autorité quelconque, niant les intérêts politiques, égotiques et financiers. Là est la véritable opposition.

NB : Pour ceux que ça intéressent, voici un papier écrit par Navarith sur ce sujet. Il s’agit de philosophie, c’est donc parfois un peu ardu mais la première partie, qui est un état de l’art de la philosophie de la connaissance, nous permet de saisir la complexité d’un tel sujet. Bonne lecture !