Nous avons évolué pendant des millénaires pour nous adapter à un environnement en perpétuel changement. Ces fluctuations sont inscrites dans notre physiologie.

De même que le jeûne, l’exposition au froid pourrait réveiller en nous des réflexes ataviques développés pendant les millions d’années où l’espèce humaine se trouvait régulièrement confrontée à des températures extrêmes, et où l’accès à la nourriture était incertain et irrégulier.

C’est ce qu’a démontré Wim Hof, un Hollandais surnommé « L’homme de glace » en raison de ses exploits face à des froids extrêmes.

Wim Hof, méditant sur la glace…

Un plongeon dans l’eau glacée déclenche de nombreux processus pour réchauffer le corps, mais ajuste également la production d’insuline, resserre le système circulatoire et élève le niveau de vigilance.

Voilà pourquoi ajouter un entraînement environnemental à vos routines quotidiennes, comme une douche froide, pourrait rendre votre corps plus puissant.

L’effet du froid sur la circulation sanguine

Le système cardio-vasculaire

Le système circulatoire humain est composé d’une série d’artères et de veines qui transportent notre sang, et l’oxygène qu’il contient, entre le cœur, les poumons et les autres organes. Ce réseau vaste et complexe s’étendrait sur plus de 96 000 kilomètres si on l’étendait de bout en bout. Dans une seule journée, nos 5,6 litres de sang voyagent sur un total de 19 000 kilomètres à travers le système, soit près de 7 fois la distance Paris-Moscou.

Tapissant la plupart des vaisseaux majeurs, il existe un réseau tout aussi complexe de petits muscles qui ont pour mission de contracter les vaisseaux (c’est la vasoconstriction) pour chasser le flux sanguin d’une zone vers l’autre.

Muscler son système circulatoire

Au contact du froid, pour se protéger de l’hypothermie, notre corps utilise ces muscles pour couper la circulation sanguine dans ses extrémités, afin de conserver l’essentiel de la masse sanguine et de la chaleur dans les parties vitales, au centre du corps. Plus la température extérieure est froide, plus cette réponse est forte. D’où la difficulté, par exemple, à utiliser vos doigts pour manipuler votre téléphone ou votre trousseau de clés après un trajet dans le froid sans gants.

Une des conséquences de vivre dans une plage de température étroite est d’avoir des muscles circulatoires faibles. Or, les maladies circulatoires constituent environ 30% de la mortalité mondiale, d’après l’OMS.

Des ressources insoupçonnées

La recherche sur la thermogénèse (ou production de chaleur par le corps) s’est basée sur l’étude des peuples vivant dans des froids extrêmes (Lapons, Inuits) ou sans abri thermique la nuit (Aborigènes, Bushmen). Elle a mis en évidence d’autres stratégies que le corps humain peut mobiliser pour résister au froid :

  • augmenter le métabolisme en frissonnant,
  • accumuler une grande quantité de gras « blanc » (stock de graisses) pour isoler le corps,
  • mais aussi activer les graisses brunes (ou adipocytes bruns, qui utilisent le sucre et la graisse dite « blanche » pour produire de l’énergie sous forme de chaleur, processus dit de thermogénèse sans frisson).
Les adipocytes blancs, qui constituent nos stocks de gras blanc (ci et là…) sont des cellules constituées principalement d’une gouttelette de lipides, tandis que les adipocytes bruns contiennent plusieurs petites gouttelettes de lipides et un nombre important de mitochondries (les organites qui produisent l’énergie dans la cellule).

La thermogénèse sans frisson est répandue chez les animaux hibernants, mais également présente chez les bébés humains. Elle pourrait, semble-t-il, être activée au sein de chacun de nous, si nous étions à nouveau exposés au froid. L’activation de l’ensemble de ces stratégies inexploitées nous permettrait d’être plus robustes face au froid, de muscler notre système vasculaire, mais aussi d’améliorer notre métabolisme, et même notre système immunitaire.

L’intérêt de l’exposition au froid sur le métabolisme

Des recherches[1] ont montré récemment que l’exposition au froid pouvait améliorer le métabolisme du sucre chez des personnes atteintes de diabète de type 2. Ces personnes sont devenues résistantes à l’insuline, l’hormone secrétée par le pancréas permettant de réduire le taux de sucre dans le sang après un repas. A tel point que le taux de sucre dans leur sang augmente, avec différentes conséquences néfastes sur le corps, notamment sur le fonctionnement des reins. Après 6 heures passées par jour dans le froid (à 14°C en short), pendant 10 jours d’affilée, ces personnes ont montré une énorme amélioration de la façon dont leur corps éliminait le sucre.

À vrai dire, les laboratoires tournent à plein régime pour trouver une molécule qui permettrait de reproduire l’effet du froid sur le diabète et l’obésité. Mais même s’ils y parviennent, cette substance aura au mieux un mécanisme d’action grossier.

Les processus biologiques sont complexes et composés de séquences de communication chimique extrêmement sophistiquées où interviennent des molécules spécifiques, s’attachant à des récepteurs particuliers. Or, le principe du médicament est d’inonder tout le corps, via le système circulatoire, sans qu’on puisse prévoir où il va agir. La substance active pourra trouver un récepteur correct pour activer la voie chimique des adipocytes bruns (cellules du gras brun), mais elle pourrait aussi se lier à d’autres sites et semer le chaos en le faisant. La liste des effets secondaires potentiels d’une telle substance est ainsi inconnue, tant le fonctionnement du corps est complexe et exploré de manière encore si limitée.

L’intérêt de l’exposition au froid sur le système immunitaire

Des personnes ayant subi le programme d’entraînement de Wim Hof – exposition au froid dans la neige, méditation, contractions musculaires en séquence après une hyperventilation – ont participé à une expérience scientifique à l’université de Radboud, aux Pays-Bas. Exposées à une substance qui fait croire au corps qu’il est infecté par une souche mortelle de bactérie Escherichia Coli, et qui déclenche habituellement une vive réaction du système immunitaire, ces personnes ont eu beaucoup moins de symptômes que le groupe témoin, qui n’avait pas subi le programme d’entraînement[2]. Elles ont ainsi pu désactiver volontairement leur système immunitaire.

Le journaliste Scott Carney, dans son livre Tout ce qui ne nous tue pas, rapporte également des cas de rémission incroyables de maladies auto-immunes parmi les personnes ayant suivi la méthode de Wim Hof : maladie de Parkinson, maladie de Crohn, arthrite… Bien qu’on ne puisse pas généraliser à partir de ces cas particuliers, des rémissions sur ce type de maladies ne peuvent que susciter l’intérêt !

Notre corps est adapté au froid saisonnier

Ces études scientifiques et ces anecdotes ponctuelles concourent vers une même hypothèse : tout comme l’absence de privation calorique, l’absence d’exposition au froid ferait partie des causes des maux de notre siècle que sont l’obésité, le diabète et autres maladies chroniques. Nous serions ainsi victimes d’un « décalage évolutionniste », lié au fait que la technologie avance à un rythme que notre biologie ne peut pas suivre. Autrement dit, nous avons toujours le corps d’un homme préhistorique qui découvre le feu, alors que nous vivons dans des environnements intérieurs surchauffés, suréclairés, alimentés en continu de nourriture transformée.

La clé serait de réintroduire dans nos vies les saisons, notamment l’hiver métabolique. Un peu à la manière dont nous y réintroduisons le jeûne (voir article ici).

Réintroduire l’exposition au froid dans nos vies

En cette saison, les températures descendent doucement. C’est le moment idéal pour s’exposer progressivement au froid. Par exemple, en allant prendre l’air sans trop se couvrir. Ou en ne montant pas tout de suite trop fort le chauffage dans la maison. Une autre façon de faire, qui est valable toute l’année, quelle que soit la saison, est de prendre une douche froide le matin.

Le 1er décembre, cela fera 2 ans que je prends moi-même des douches froides tous les matins. Seuls mes shampoings sont pris à l’eau tiède, la tête renversée en avant. En effet, les rinçages à l’eau froide me provoquaient une sensation vraiment étrange, presque douloureuse, qui m’a littéralement « refroidie ». J’ai depuis appris que notre crâne avait une sensibilité particulière au froid. Mais rien ne vous empêche d’en faire l’expérience !

Une sensation pas si désagréable !

Je ne cesserais pour rien au monde les douches froides. Déjà, parce que je ne suis pas tombée malade une seule fois en deux ans (pas même un rhume ou une toux). Mais aussi et surtout, car elles me procurent un bien-être immédiat.

L’appréhension de l’eau froide, le moment juste avant d’allumer le jet, est le moment le plus difficile. Bien plus difficile que le contact avec l’eau froide lui-même. Dès le premier jet, l’excitation s’installe. Quand l’eau est vraiment froide (pas toujours évident quand on vit en appartement), c’est carrément l’euphorie, le fou rire ! Impossible d’être encore vaseux après ça. Avec ça, pas besoin de café pour être bien réveillé ! Mais cela fait aussi un bien fou après le sport, avant d’aller se coucher… Si je réfléchis bien, je crois aussi que ma peau ne pèle plus comme avant à l’approche de l’hiver. Et ce n’est sans doute qu’un avant-goût des effets de la douche froide, au vu des études précédemment citées.

Alors n’attendez plus ! L’essayer, c’est l’adopter !


[1] Schrauwen, P., van Marken Lichtenbelt, W.D. & Spiegelman, B.M. The future of brown adipose tissues in the treatment of type 2 diabetes. Diabetologia 58, 1704–1707 (2015). https://doi.org/10.1007/s00125-015-3611-y

[2] Matthijs Kox, Lucas T. van Eijk, Jelle Zwaag, Joanne van den Wildenberg, Fred C. G. J. Sweep, Johannes G. van der Hoeven, Peter Pickkers. Voluntary activation of the sympathetic nervous system and attenuation of the innate immune response in humans. Proceedings of the National Academy of Sciences May 2014, 111 (20) 7379-7384; https://doi.org/10.1073/pnas.1322174111