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Une dispute peut-elle être constructive ?
Les disputes font sûrement partie des évènements les plus désagréables du quotidien. Sous forme de conflits ouverts ou latents, elles peuvent faire irruption dans tous les domaines de notre vie. Toutefois, dans nos relations les plus intimes, elles sont sans doute plus intenses, plus fréquentes, et génèrent plus d’émotions.
Lorsqu’on se laisse emporter dans ce flot d’émotions négatives, on entraîne souvent son interlocuteur avec soi. On peut être amené à être violent, physiquement ou verbalement, et à dire ou s’entendre dire des mots blessants. Une dispute, même courte, peut avoir des conséquences émotionnelles assez longues, ce qui n’est pas sans effet sur notre santé.
Nous avons vu, dans un précédent article, que nos émotions désagréables (colère, tristesse, peur…) signalent un besoin émotionnel non satisfait. L’identifier permet de faire en sorte d’y répondre, afin de retrouver une certaine paix intérieure.
Puisqu’elles génèrent des émotions, les disputes sont une excellente occasion d’identifier nos besoins émotionnels. Elles peuvent même nous permettre d’en apprendre plus sur nous-même, sur notre histoire et sur nos croyances. Elles deviennent ainsi une véritable opportunité de progresser dans notre relation à l’autre et, plus important encore, à nous-même.
C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cet article. Nous utiliserons pour cela une méthode développée par Virginia Satir : le processus de l’iceberg.
Notre logique, dans ce blog, est toujours la même. Mieux se connaître, c’est mieux gérer ses émotions et avoir de meilleures relations. C’est donc limiter l’impact négatif des émotions désagréables sur notre santé.
Qu’est-ce que le processus de l’iceberg ?
Une manière de briser la glace qui emprisonne notre meilleur moi.
Imaginons que toute situation désagréable, dans la vie, est un iceberg dérivant sur l’océan.
Comme dans un iceberg, la partie émergée, apparente, n’est qu’une infime partie de la réalité. Le problème apparent, qui génère les émotions désagréables en nous, est la partie émergée de l’iceberg. Elle recouvre tout un ensemble d’interprétations, de croyances, d’attentes et de besoins, qui sont immergés dans notre inconscient.
Le processus de l’iceberg vise à les découvrir.
Il s’agit de plonger en profondeur pour observer, une à une, les différentes strates de l’iceberg.
Ce processus se réalise idéalement seul, en introspection. Les résultats peuvent ensuite être partagés avec notre interlocuteur.
Étape 1 : Quel est le problème, le comportement qui a généré la dispute ?
La première étape du processus est de décrire le problème apparent. C’est la situation, ou le comportement, qui a généré chez nous une émotion désagréable : peur, tristesse, colère.
Nous ne sommes pas toujours d’accord sur l’origine d’une dispute. Souvent, le comportement de l’un a engendré chez l’autre une réaction qui, elle-même, est reprochable. Cette série de réactions a pu entraîné une escalade de violence. Peu importe. Concentrez-vous sur la situation ou le comportement que vous avez le plus envie de reprocher à votre interlocuteur, au moment où vous réalisez l’exercice.
Vous avez le sentiment que cette personne vous a manqué de respect ? Qu’elle n’a pas fait attention à vous ? A-t-elle pris des risques inconsidérés sans vous en parler ? N’a-t-elle pas tenu ses engagements ?
Étape 2 : Quelle posture j’adopte au cours de la dispute ?
La deuxième étape est de décrire comment nous réagissons concrètement face à ce problème.
C’est mon étape préférée. Mais nous pouvons ici avoir besoin d’un regard extérieur.
Nous avons tous nos manières de réagir à un débordement émotionnel. Certains se mettent à manger ou à boire avec excès. D’autres se plongent dans des distractions, ou s’isolent. D’autres encore mentent, utilisent le sarcasme, ou s’occupent de ce qui concerne les autres. Ce sont des manières de nous protéger, pour nous détourner de notre émotion désagréable.
Dans le cas d’une dispute, d’un conflit ouvert entre plusieurs personnes, le processus de l’iceberg décrit 4 attitudes en particulier.
La posture du suppliant
La posture du suppliant consiste à dire oui à tout. La personne accepte tous les blâmes, quitte à se dévaloriser, afin de maintenir la paix et de satisfaire les autres.
Elle dira, au cours de la dispute : « Tu as raison, c’est de ma faute. » « C’est vrai. » »Je suis désolé(e). » « Tout ce que tu veux ».
La posture de l’accusateur
La posture de l’accusateur consiste à souligner les erreurs des autres. La personne parle souvent fort, utilise le « tu » et s’exprime avec des généralisations. Elle refuse d’endosser toute responsabilité et rejette la faute sur les autres.
« Avec toi, c’est toujours pareil. » « Tu ne fais jamais ce qu’il faut. » « Qu’as-tu encore fait ? »
La posture du raisonnable
Le raisonnable, lui, cherche à orienter les autres sur les aspects logiques et factuels de la situation, plutôt que sur ses aspects émotionnels. Il conserve une attitude calme, froide et distante. A l’intérieur, il bouillonne probablement. Mais il se distancie de ses émotions qu’il ne saurait pas gérer ou assumer.
« Ça ne sert à rien de se mettre dans un état pareil. » « Est-ce que c’est vraiment important ? » »Tout le monde sait que… »
La posture du distrayant
La posture du distrayant, enfin, consiste à détourner l’attention. La personne cherche à changer de sujet, à faire de l’humour, ou bien s’échappe. « Tiens, tu avais remarqué cette tache sur le tapis ? » « Bon, moi j’y vais, j’ai encore du travail. » « En parlant de ta mère, elle a appelé tout à l’heure. »
Elle peut également montrer qu’elle n’est pas concernée par le problème ou se moque de ce qui se passe. « Pense ce que tu veux, pour ce que ça m’importe ! »
Des attitudes non congruentes
Ces 4 attitudes manquent de congruence, c’est-à-dire d’adéquation entre nos émotions et nos actes et paroles. Nous ne sommes tout simplement pas capables, à ce moment-là, de dire calmement et de manière détendue ce que nous ressentons et pensons. Nous cherchons donc à cacher ces émotions auxquelles nous ne savons pas faire face.
Par exemple, une personne accusatrice peut ressentir au fond d’elle beaucoup de culpabilité et d’impuissance. Une personne distrayante peut se sentir profondément inadéquate. Le responsable peut avoir peur d’être envahi par ses émotions. Le suppliant, quant à lui, peut se sentir sans valeur et avoir peur d’être laissé pour compte.
Vous reconnaissez-vous parfois dans l’une ou l’autre de ces attitudes ?
Étape 3 : Qu’est-ce que je ressens à propos de la dispute ?
Une fois que nous avons identifié notre posture, nous pouvons nous interroger sur l’émotion sous-jacente. Est-ce de la colère, de la frustration, de la tristesse, de la peur, etc. ?
Il est également intéressant d’identifier l’émotion que génère en nous cette émotion. On peut en effet être en colère d’avoir peur, ou avoir honte d’être en colère, etc.
Cette étape n’est pas simple. En effet, la posture que l’on adopte au cours de la dispute est justement là pour nous protéger. Elle montre que nous ne sommes pas à l’aise avec les émotions que nous ressentons.
Pour certaines personnes, il sera plus simple au début d’identifier leurs sensations physiques, au lieu de leurs émotions. Par exemple : « J’ai chaud », « Je bouillonne », « Je me sens vide, glacé ». Pour d’autres, il sera plus facile de se souvenir des pensées qui leur ont traversé l’esprit. Par exemple : « Elle va me quitter ». « Je suis un bon à rien. » « Il faut qu’il arrête de faire ça. »
Étape 4 : Comment j’interprète la situation ?
La quatrième étape est d’identifier notre interprétation du problème ou du comportement qui a déclenché cette émotion.
« Lorsqu’il me dit ça, j’entends que je ne fais pas assez bien, que je ne suis pas suffisamment capable. » « Lorsqu’elle se comporte comme ça, c’est comme si elle veut me montrer qu’elle sait mieux faire que moi. » » J’ai l’impression qu’il ne m’apprécie pas ». » C’est comme si je n’avais pas de valeur à ses yeux. »
Nous passons notre temps à interpréter le comportement et le discours des autres. C’est tout à fait normal. Ceux qui vivent avec un animal le savent bien. Votre animal ne vous parle pas, et pourtant vous avez une idée de ce que ses comportements signifient !
Etape 5 : Quelle blessure cela ravive-t-il ?
Cette étape est un voyage dans le temps.
A quelle situation du passé cela me ramène-t-il ? A qui je pense, lorsqu’une telle situation se passe ? Quelle voix j’entends dans ma tête ? Quelle image me vient à l’esprit ?
On peut par exemple, entendre la voix de son père, ou de sa mère, nous faire les mêmes reproches. Parfois, on revit une situation de l’école primaire, ou un conflit avec un de ses frères et sœurs. Il s’agit de laisser les images remonter en nous.
Encore une fois, ce n’est pas simple, car c’est souvent une scène douloureuse que nous avons enfouie en nous. Il faut se laisser le temps d’y penser. Si besoin, on peut se repasser la scène de la dispute et observer ce qui nous vient en tête.
La situation présente nous fait alors revivre une blessure passée, et ravive une croyance gravée en nous. Est-ce que nous ne sommes pas capables ? Que nous n’avons pas de valeur ? Qu’il est dangereux de montrer ses faiblesses ou de faire confiance ? Qu’il est mal d’exprimer son point de vue ou ses préférences, etc. ? Que nous n’avons pas le droit à l’erreur ?
Étape 6 : Quelles sont mes attentes ?
Comme le dit Byron Katie (voir cet article), les attentes sont notre principale source de souffrance émotionnelle. Nous souffrons lorsque la réalité n’est pas à la hauteur de nos attentes. A ces moments-là, nous nous battons avec la réalité. Nous pensons qu’elle devrait être autrement.
Quelles sont ces attentes, à propos des autres et de nous-mêmes ?
Qu’est-ce qu’on aurait aimé mieux faire ? Qu’est-ce qu’on aurait aimé que l’autre nous dise ? Comment aurait-il dû se comporter, d’après nous ? Qu’aurait-il dû comprendre ?
Étape 7 : Quel est mon besoin émotionnel non satisfait ?
La septième étape est d’identifier lequel de nos 7 besoins émotionnels n’est pas satisfait dans cette situation.
Qu’est-ce qu’un besoin émotionnel ? C’est par exemple, le besoin d’être reconnu pour ce que je fais. Ou le besoin de me sentir choisi, ou inclus. Pour en savoir plus, allez lire notre article dédié ! Vous y apprendrez également quelques techniques pour répondre vous-même à ces besoins.
Étape 8 : Rétablir la vérité
Enfin, la dernière étape vise, à la lumière des précédentes réponses, de rétablir la vérité sur la situation.
Par exemple, le problème n’est pas qu’il me fait sans cesse des reproches, mais que j’ai besoin de me sentir aimée et validée malgré mes faiblesses. Le problème n’est pas qu’il prend trop de bon temps, mais que j’ai besoin d’être reconnue dans mes efforts, ou d’être rassurée sur notre capacité à assurer nos besoins matériels. Le problème n’est pas qu’elle ne se soucie pas de moi, mais qu’elle cherche à oublier son anxiété en se plongeant dans le travail ou dans les distractions, etc.
Cette nouvelle interprétation est souvent bien différente du problème de départ. C’est la partie immergée de l’iceberg !
Que faire des résultats du processus de l’iceberg ?
La réponse à ces questions a, normalement, permis d’éteindre l’émotion désagréable générée par la dispute. En effet, ce signal d’alerte n’est plus utile, maintenant que le besoin sous-jacent a été compris.
Il est également probable que nous ayons retrouvé une part de responsabilité, et donc de pouvoir, dans le problème qui reste à résoudre.
Il est plus facile de faire cet exercice seul, au calme, après une dispute.
Toutefois, discuter des résultats de cet exercice avec son interlocuteur est très intéressant. Cela permet notamment de demander confirmation sur notre nouvelle interprétation du problème.
Nous pouvons ainsi mieux comprendre la manière de penser de l’autre. Et ainsi, vivre un moment précieux de vulnérabilité et d’authenticité qui favorise l’intimité.
Conclusion : apprendre d’une dispute
En conclusion, les difficultés que nous avons pu vivre dans notre passé ont laissé des traces en nous, sous la forme de croyances limitantes et de besoins insatisfaits. Les difficultés que nous vivons au quotidien ont tendance à les raviver. Toute blessure sera ainsi ravivée, encore et encore, tant que nous ne ferons pas l’effort de la surmonter. Chaque nouvelle difficulté est une nouvelle opportunité de le faire.
«C’est par la blessure que la lumière entre en vous.» disait le poète perse Rûmi au 13e siècle.
On lui attribue également cette phrase : vous devez briser votre cœur plusieurs fois pour qu’il s’ouvre.
En effet, nos blessures, si nous les identifions, nous permettent de mieux nous connaître, d’identifier nos valeurs et ce qui est important pour nous. Lorsque nous les identifions et les surmontons, elles peuvent devenir notre plus grande force.
Dans cette perspective, toute dispute est constructive, pourvu que nous fassions l’effort de l’analyser. Elle peut nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes et nous permettre de vivre des relations plus sereines, avec nous-même et avec les autres. Notre vie émotionnelle s’en trouve apaisée, et notre énergie nerveuse, conservée !
Un frein qui peut nous empêcher d’analyser une dispute, est notre ressentiment. Celui-ci peut nous porter à vouloir punir l’autre, en continuant à faire la tête et à lui faire porter tout le poids de la dispute. Cela peut durer un temps, mais c’est ensuite à nous de savoir si nous souhaitons améliorer cette relation, ou lui nuire. Notre objectif guidera notre action.
Je vous souhaite ainsi de belles disputes 😉
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